Tu te souviens de ta relation avec le temps lorsque tu étais petit ? Je me souviens qu’une journée à l’école primaire pouvait durer l’éternité, le week-end n’en finissait jamais et la sieste à la maternelle était si longue que j’en entendais son silence les yeux effrayés de le sentir si près. C’est à partir de 20 ans que le temps a commencé à s’accélérer. Ces 20 ans tant désirés lorsque j’étais enfant. Cette envie de liberté, de vivre comme les grands. Ces adultes dont le regard s’accompagnait d’une nostalgie à l’idée d’imaginer leur enfant s’envoler à pas de géant pour grandir. Pourquoi le temps s’accélère au fil du temps ? Tout va plus vite, encore plus vite, il en devient incontrôlable. Est-ce seulement une sensation ou une réalité ? Il semblerait qu’il y ait deux théories dont la compréhension pourrait nous aider à arrêter le temps.

Tout ce temps que j’aimerais utiliser pour être heureuse, pour propager qui je suis, m’accorder à qui ils sont et peut-être que je n’en aurais pas le temps. Ça fait peur de se dire que demain j’aurais 80 ans, des années minuscules à l’échelle du temps passé où je n’existais même pas. Je n’étais même pas une théorie de quelque chose, je n’étais rien, j’étais pas là. Il y avait tous les autres, mais ni moi, ni toi. Nous, nous sommes là, en arrêt sur image, vivants notre âge en pleurant déjà hier et en attendant demain. On s’imagine importants durant un laps de temps qui dure une vie entière. Une vie qui parait longue quand on est arrivés sur terre et si courte après quelques décennies les pieds ancrés au quotidien.

Pourquoi a-t-on la sensation que le temps s’accélère lorsqu’on vieillit ?

D’après la psychophysique, ce serait une sensation liée au temps qu’il nous reste à vivre. Partons sur une base de 80 ans. À 5 ans, il reste 75 ans à vivre et à 75 ans il en restera 5. Comme lorsqu’on observe un avion en plein vol, il est loin et si petit. Plus il se rapproche, plus il grossit et dès qu’il se pose face à nous c’est notre corps qui devient petit. C’est probablement pour cette raison que durant notre enfance le temps s’éternisait, la fin était lointaine. (Référence à la loi de Weber Fechner)

Une journée paraissait ne jamais se terminer et on courait après le temps pour avoir les récompenses qu’on nous promettait. On nous promettait un cadeau pour l’anniversaire, alors on comptait les jours. On nous promettait des jouets sous le sapin, alors on patientait encore. On nous promettait de partir en vacances en été, alors on attendait. À croire qu’on a été conditionné à courir après le temps, à cocher des cases dans le calendrier comme si celui qui allait le plus vite arriverait à destination le premier. Je ne connais qu’une seule ligne d’arrivée au temps, je n’ose presque pas la nommer de peur de froisser, mais elle s’appelle la mort. À trop courir, on s’en rapproche. À trop compter, on pourrait presque la sentir. Là, nous caressant l’épaule en chuchotant que la fin est proche. Et si on arrêtait le temps ?

La routine, le piège du temps

Tu vois, le temps s’accélère et plus tu y penses plus il avance d’un pas décidé. Tu y penses parce que tu en as peur. Pour contrer la peur, on se met en sécurité dans un cocon. Ce cocon de la routine par exemple. On imagine qu’on a trouvé la solution miracle et que la vie est enfin bien ordonnée. Naître, grandir, se sécuriser, partir. Notre travail routinier devient notre raison de vivre, notre horloge biologique est programmée en fonction de notre profession. On mange, on paye les factures, on mange à nouveau, on repaye les factures, et on a peur, terriblement peur de la fin.

N’y a-t-il pas quelque chose d’illogique ? Avoir peur, mais se précipiter quand même sans penser à vivre. D’accord, peut-être que j’attache trop d’importance à la définition de vivre. Mais, j’ai l’ultime conviction qu’on peut faire mieux que courir. On peut ralentir, arrêter de trouver des excuses, et apprécier le silence. Ce silence dont je t’ai parlé au début, ce silence si présent lorsque nous étions enfants. Ce silence du temps qui passe.

Comment arrêter le temps ?

Je pense que pour arrêter le temps, il faut écouter son silence et revenir aux bases de l’enfance. Un enfant a tout à découvrir, chaque jour il est l’explorateur de sa propre vie et de ce qui l’entoure. Tandis qu’à l’âge adulte, on croit tout savoir donc on a plus rien à apprendre. Des psychologues ont émis la théorie que l’adulte étant trop occupé à faire la même chose tous les jours, il ne voit plus le temps passer, d’où cette sensation que le temps passe vite.

Pourtant une journée de 24 heures compte bien 24 heures peu importe notre âge. Pour contrer cette accélération, il faudrait alors arrêter le temps en faisant de nouvelles expériences, en cassant sa routine, en s’émerveillant à chaque instant par la nouveauté. Le problème est que plus nous vieillissons et plus nos responsabilités deviennent mécaniques. On fait les choses machinalement sans même y penser par habitude et on les oubliera aussi vite. Le temps s’arrête lorsque l’on vit un moment mémorable, alors commençons par ôter notre costume d’humain automatisé. Regardons la vie avec un regard nouveau à chacun des jours qu’elle nous offre de vivre.

Il en est de même avec nos instruments digitaux, faire défiler le fil sur les réseaux sociaux ne demande aucune attention et le temps semble s’accélérer. Dans l’absolu, à ce moment là nous n’existons plus tels des zombies obnubilés par le vide intersidéral qui nous unit, il nous donne juste l’illusion d’exister. C’est peut-être notre trou noir à nous pauvres humains victimes de notre propre connaissance. On se connecte et on passe à travers le trou noir du rien pendant des heures entières à ne plus penser, à ne plus s’autoriser d’exister.

Et si chaque jour était le plus long de notre vie ?

Alors, on fait quoi ? On attend la fin sans même savourer le voyage juste pour cocher la case finale ? Non, moi je veux être comme un enfant, je veux voir le temps passer, je veux m’émerveiller de tout, de toi, de moi, des choses extraordinaires que je ne connais pas. Je veux rire encore une fois, et même mille fois ! Je veux passer à travers les années en me disant à chaque fois que la prochaine ne m’attend pas. Je veux me dire que la fin est lointaine. Je veux vivre une jeunesse éternelle avec la peau ridée de belles histoires. Je veux sentir chacun de mes os me rappeler à quel point j’ai existé. Je veux voir la destination finale comme le ciel, immense, omniprésent mais loin, si loin de mes yeux et pourtant si lumineux. Je veux arriver au dernier jour de ma vie et me dire que je n’ai pas suivi de calendriers imposés, seulement mon instinct d’humain qui demandait plus que respirer. Je veux penser au passé somme si c’était demain, dans mon conscient le plus ancré en l’instant présent. Je veux vivre sans compter les jours qui me séparent de la fin. Je ne veux plus être une frise chronologique, je ne veux plus la sentir et pour ce faire j’ai décidé d’arrêter le temps. Il ne passe pas vite, c’était une illusion. Chaque seconde est une nouvelle naissance qui a soif de vivre.

Sarah

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