Je ne sais pas si à la conclusion de ce billet je réussirais à vous glisser quelques lumières, car j’ai l’impression qu’un immense nuage gris se trimballe au dessus de nous depuis des mois. Je ne sais pas vous, mais quelques fois j’ai le covid blues et je ne m’en réjouis pas.
Le sentiment de culpabilité qui accompagne le covid blues préférerait que je l’ignore, car après tout un blues ne m’envoie pas en réanimation. Mais, est-ce que l’on se sent vraiment animé lorsque le monde lui-même est paralysé ? En faire abstraction m’est impossible. J’ai pourtant l’entrain de la personne optimiste, mais vous savez pour rester optimiste il faut voir loin. C’est la clé du positivisme, quand tout est noir on sait qu’au bout du chemin la lumière attend que l’on traverse l’obscurité jusqu’à trouver l’interrupteur. Un peu comme un avion en pleine montée traversant les nuages. Au dessus, le ciel est toujours bleu. Ça c’est la philosophie optimiste. Encore faut-il décoller pour retrouver ce ciel paisible. Mais, comment fait-on pour décoller s’il n’y a pas de destination ? Je vous le demande. Là tout de suite, je ne trouve pas la réponse. Alors, j’essaie, je tente d’y réfléchir, d’y apporter ma lumière, cette petite lueur qui ne veut pas s’abattre et je pars en quête de ce fameux interrupteur.
Le covid blues comme sa grande amie la covid-19, peut toucher toute personne vivant dans la société actuelle. Il ne se transmet ni par l’air, ni par les postillons. Il se transmet juste en allumant la télévision, en regardant les informations, en lisant l’actualité, en voyant son travail changer, en traversant l’incertitude économique, en portant un masque, en s’arrêtant de vivre comme avant, en se confinant, en ne sachant pas de quoi demain est fait, en ne sachant pas ce que l’on pourra vraiment faire demain. Alors, comme tout bon mauvais sentiment, peut-être faut-il en faire le deuil ? Parce que demain ne sera plus comme hier, alors c’est probablement le deuil d’avant qu’il faut commencer à entreprendre. Dire au revoir à une vie qu’on ne savait pas si bien que ça, une vie qu’on ignorait être idéale jusqu’à ce qu’on nous la prive.
Hier, c’était bien. On n’avait pas de limites, alors on s’imaginait aller loin. Tout était possible hier. C’était beau, c’était bon de se faire la bise, de s’assoir à une terrasse sans craindre d’attraper un fichu virus et de le retransmettre dans l’invisible à ceux que l’on aime. C’était amusant de danser dans l’insouciance. C’était attrayant de se lancer dans un projet professionnel avec le coeur enflammé par l’envie de se surpasser. C’était agréable d’avoir le visage libre et de sentir l’air, même pollué, sur sa peau. C’était drôle de recevoir une invitation tardive pour sortir le soir et dire bonjour à la nuit sans se soucier de l’heure.
C’était bien, mais c’était hier. Enfin le hier du mois de février dernier. Par contre, demain c’est bien celui d’aujourd’hui ainsi que les prochains. Il va nous falloir de l’entraide pour combattre un ennemi qui veut s’attaquer à notre santé physique, mais aussi notre santé psychologique. Il touche tout un chacun, chacun de nous, de près ou de loin. Il est là, présent partout dans l’air et dans l’esprit. Ceux déjà fragiles hier doivent se frayer un chemin dans les turbulences mentales qu’impliquent le contexte sanitaire. Ceux dont le mot dépression n’était qu’une vague idée d’une tristesse passagère se retrouvent à présent passager du paquebot Covid Blues. Des études le démontrent déjà, aux USA le taux de personnes dépressives a triplé lors de la transition entre l’avant et pendant l’épidémie. L’incertitude, voilà le mot ! C’est l’incertitude de demain qui nous paralyse aujourd’hui.
J’ai envie d’égayer ce billet, de lui apporter un peu de grâce et de dignité. J’ai envie de vous dire que demain n’existe pas encore. J’ai envie de vous dire qu’il faut faire table rase du passé pour reconstruire le présent sur une base plus saine. Dans cet élan de folie, on ne pourra évidemment pas ignorer les règles de la société : le masque, les gestes barrières et les semi-confinements régulièrement rediscutés. Après avoir pris connaissance de cette nouvelle société qui s’offre a nous, pas la plus joviale, je vous l’accorde, il est temps de créer son petit bonheur quelque part. On peut éventuellement reprendre son plan de vie passé et le réadapter à l’actualité. Pour les plus vaillants en soif de nouveauté, je vous propose de tout recommencer. D’accepter qu’aujourd’hui est une journée inédite où tout nouveau scénario peut prendre vie. Ou bien ressusciter un projet abandonné en le modelant à la mode d’aujourd’hui. Je crois que l’idée première pour sortir vainqueur du covid blues c’est de garder espoir tout en stimulant son imagination la plus folle et bienveillante.
Il me semble que je peux clôturer ce billet à présent. C’est drôle, la seule chose qui m’a motivée à l’écrire c’est justement ce blues qui s’est invité dans ma tête ces derniers jours. Au début, j’étais paralysée par la peur. La peur de ne pas être certaine de revivre dans l’euphorie. De ne pas être certaine que mes rêves en valaient encore la peine. Puis, j’ai décidé que ce serait dommage d’avoir une vie barbante dans laquelle je me sentirai victime. Je suis ici, à cette époque, alors je vais la vivre, mais pas qu’un peu. Je vais la vivre avec une quête personnelle d’en faire une histoire palpitante. Avant de m’envoler sur les hauteurs de mon imagination, laissez-moi tout de même vous confier timidement que je crois que l’on s’en sortira surtout si l’on se serre les coudes, parce que le paquebot Covid Blues ne fait pas de différence. Il est indifférent aux statuts sociaux, aux origines, il ne fait aucune distinction, il n’y pas de première classe, il n’y a pas non plus de canot. La seule bouée de sauvetage pour la santé physique ou mentale, c’est nous. On est le seul moyen de se sauver.
Sarah