Et si j’avais osé ?

Si on connaissait la fin de notre histoire, serait-elle plus facile à écrire ? Un peu comme lorsqu’on connait déjà la fin d’un film et qu’on le regarde plusieurs fois pour s’assurer que toutes les péripéties soient bien à leur place avec leur lot d’émotions qu’on veut revivre encore quelques fois.  Peut-être que certains passages n’étaient pas si bons après tout, on garde l’espoir de les voir changer. Alors, apprécie-t-on le film au premier visionnage ou la seconde fois, ou peut-être la troisième ?

Je me demande si l’on ferait toutes ces choses que l’on fait si l’on connaissait vraiment l’ultime conclusion. D’un côté, je pense que l’on vivrait plus intensément les chapitres ratés pour éviter de les regretter, et de l’autre côté du rivage je pense que l’on bâclerait nos actions car finalement à quoi bon… Mais ça ne coûte rien d’y réfléchir pour agir maintenant au cours de l’histoire plutôt que d’attendre sagement d’être invité par les regrets.

Il y a tellement de moments que l’on oublie d’aimer sur l’instant et qu’on regrette une fois rangés dans le passé. On les regrette parce qu’on les vivait dans l’inconscience accompagnée de l’acquis jusqu’à les cacher dans les boîtes de l’ennui, de l’habitude, de l’ingratitude, de la peur, de la culpabilité et certainement celle de l’insatisfaction. Au bout du compte, le présent n’existe plus. Il passe.

Si demain était le dernier ?

Tu ferais quoi ? Imagine que demain soit la fin du livre que tu as eu tant de mal à écrire et dont les échecs ont pu t’inviter à l’abandon d’une quête personnelle. À l’abandon de soi comme si ta vie n’était pas si importante pour la vivre intensément. Ou peut-être qu’elle est vécue par procuration dont le stylo aurait été prêté à des passants. Des passants peu convaincus, mais entraînants qui n’en écriraient que des brouillons. Ou un passant véritablement convaincant qui jetterait votre bouquin aux oubliettes pour vous donner un rôle dans le sien.

J’ai souvent ce sentiment de ne pas avoir suffisamment vécu certaines années comme je l’aurais souhaitées. On en fait tous les frais jusqu’au jour où l’on accepte la dureté d’une épreuve pour réveiller l’âme somnolante qui s’était installée confortablement dans une routine éprouvante, inconsciemment devenue tolérante au rien. Ce néant que l’on s’offre quand rien ne va, quand l’énergie ne veut plus donner de soi, quand accepter le rien devient une vie sans risque et sans saveur. Naturellement, s’il n’y a pas de risque, il n’y a pas de résultat, pas de quête, pas de but, pas de raison, l’ultime satisfaction de ne pas se poser la question fatale « suis-je heureux ? »

Au milieu de cette zone de confort, c’est inconfortable de se poser la question, puisqu’elle peut blesser. Se la poser c’est sortir de l’inconscience, celle qui n’est pas prête à voir consciemment que l’on ne l’est pas. L’accepter voudrait dire « il faut que je fasse quelque chose pour y remédier ». C’est alors que cette affirmation engendre des actions que l’inconscience ne veut déjà plus affronter. Pourquoi ? Probablement par peur de ne pas être à la hauteur, de retomber du haut de l’échelle et de répéter un scénario douloureux. Pourtant, la probabilité de ne pas tomber existe aussi, mais pour le savoir il faut oser. Entre le moment où l’on grimpe et celui de l’arrivée au sommet, il y a un voyage tout autant délicieux. Ce voyage de l’instant présent, d’aimer chaque étape avec ce sentiment dans le coeur qui palpite à l’idée d’arriver en haut. Même si l’on tombe, l’émotion de cet instant magique que l’on photographie mentalement et consciemment va nourrir l’âme et lui chuchoter de recommencer. Une sorte de confiance en soi qui se construit au fil de l’histoire consciente des hauts et des bas.

Vivre consciemment

Vivons-nous comme on aimerait véritablement vivre notre vie ? Un jour, ce sera la fin du livre et dans l’ennui insupportable de notre égo insatisfait, nous regarderons en arrière avec des larmes de regrets enfin versées pour pleurer une vulnérabilité refusée. Il sera peut-être trop tard si le chapitre arrive à son point final. Toutes ces phrases manquées, toutes ces actions non menées par peur du rejet, tous ces sentiments refoulés par peur d’être jugé, tous ces oui devenus non pour ne pas affronter le risque de vivre pour de vrai.

Si je devais écrire un livre en commençant par sa conclusion, j’aimerais que la narration y fasse le récit d’un personnage ébahit par le bonheur d’avoir tout essayé quitte à s’égratigner. J’aimerais que le personnage ri de tous ces échecs qu’il a réussis à dénouer pour en trouver le véritable message caché. J’aimerais que le personnage n’ait pour seul regret celui de ne pas en avoir à conter. J’aimerais que le lecteur se retrouve en paix dans une conclusion qui l’inviterait à faire la liste de ses regrets, de les accepter, de les pardonner et de les jeter au passé. C’est ainsi que j’aimerais conclure mon roman. Ensuite, tous les chapitres seraient des odes à la vie vécue avec passion. Des instants qui oseraient vouloir plus grand quand d’autres seraient des instants volés arrivés par surprise. 

Alors, si j’avais osé ?

Ça doit être la fameuse question que l’on se pose le dernier jour de sa vie. Si j’avais osé être heureux ? Si j’avais osé lui dire je t’aime ? Si j’avais osé envoyer ce mail ? Si j’avais osé parler à cette personne ? Si j’avais osé entreprendre pour créer un projet ? Si j’avais osé me battre pour mes convictions morales ? Si j’avais osé prendre l’avion pour visiter le monde ? Si j’avais osé être qui je suis ? Si j’avais osé rêver ? Si j’avais osé y croire ? Si j’avais osé, juste oser…  


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